En France et en Allemagne, les politiques s'étripent régulièrement sur les "performances", réelles ou supposées, de l'un ou l'autre pays. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, prend souvent exemple sur l'Allemagne pour justifier l'une ou l'autre de ses réformes, la dernière en date étant celle de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISS). Mais qu'en est-t-il dans la réalité ? L'étude que vient de rendre publique la Cour des comptes donne des éléments de comparaison ; nous reproduisons ici une partie de ses conclusions
Après une analyse comparative des taux d'imposition du capital et du travail, la cour estime que, "proches lorsqu'on les compare au reste de l'Union européenne, France et Allemagne n'en présentent pas moins des différences marquées" : les structures économiques, les moteurs de la croissance, la situation respective de leurs finances publiques, l'écart qui les sépare en termes de taxation du capital les distinguent clairement aujourd'hui tout comme, à plus long terme, leurs perspectives démographiques. Depuis quelques années en outre, les politiques fiscales menées ont été contrastées et des facteurs de divergence profonds sont apparus en matière de soldes commerciaux, posant en termes renouvelés la question de la compétitivité relative des deux pays. Toute réflexion sur les perspectives de convergence fiscale ne saurait ignorer ces données essentielles. La situation actuelle de la zone euro et l’insuffisante coordination des politiques économiques la rendent d’autant plus nécessaire.
"La France et l’Allemagne, au-delà de leur histoire européenne commune et de leur poids au sein de la zone euro, présentent des différences significatives", écrit la Cour des Comptes. L’essentiel d’entre elles concerne moins le système de prélèvements obligatoires de ces deux pays, que l’économie, les finances publiques et leurs choix de société respectifs, notamment en ce qui concerne l’organisation de la protection sociale.
L’Allemagne s’appuie à la différence de la France sur un tissu d’entreprises moyennes puissant. Elle se caractérise par une croissance reposant sur son industrie et encore plus que par le passé sur ses exportations, au détriment relatif de la consommation.
Si, sur la période 2000-2010, les deux pays ont connu une croissance assez proche, les cinq dernières années sont caractérisées par un écart significatif au bénéfice de l’Allemagne. Cet écart, qui a des conséquences sur le niveau de chômage, s’accompagne d’une maîtrise mieux assurée des finances publiques, l’écart en termes de déficit structurel se situant autour de trois points.
L’illustration des divergences à l’œuvre peut être trouvée dans les évolutions du solde commercial des deux pays et des coûts salariaux au cours de la même période. Ces évolutions attestent la perte de compétitivité relative de l’économie française par rapport à sa voisine. En termes de prélèvements obligatoires globaux, la France et l’Allemagne sont deux pays assez proches : ils prélèvent en moyenne plus de taxes que les autres membres de l’Union européenne. On peut certes noter une tendance à la réduction des prélèvements plus marquée en Allemagne ces dernières années, l’écart atteignant 3,5 points avec la France en 2008, mais cet écart tient pour une part significative au périmètre de son système de protection sociale obligatoire.
L’analyse de la taxation des différents agrégats économiques (travail, consommation, et capital) révèle que l’essentiel de l’écart réel avec l’Allemagne provient de l’imposition du stock de capital, même si la pertinence de cet agrégat peut être discutée, et plus marginalement de l’imposition des revenus du travail.
La taxation du capital n’a pas véritablement évolué dans les deux pays au cours des années 2000. Alors que la taxation des revenus du capital est comparable, la taxation du stock de capital fait apparaître un niveau supérieur de 3 points de PIB en France. Cet écart s’explique par l’existence en France de prélèvements ayant une assiette plus large qu’en Allemagne (impôts fonciers et droits de mutation), ou n’ayant pas d’équivalent dans ce pays (contribution économique territoriale et C3S pour les entreprises, taxe d’habitation et plus marginalement l’ISF pour les ménages).
En revanche, l’imposition de la consommation et des revenus du travail suivent depuis 2000 des tendances divergentes. Le poids de la taxation de la consommation est aujourd’hui comparable dans les deux pays, mais il suit des trajectoires différentes : à la diminution observée en France, sous l’effet notamment de l’introduction de nombreux taux réduits de TVA, s’oppose la hausse récente observée en Allemagne, comme d’ailleurs dans la plupart des pays européens.
L’imposition des revenus du travail est comparable entre les deux pays, même si elle a été légèrement réduite depuis quelques années en Allemagne. Sa structure est en revanche très différente : les cotisations sociales sont plus élevées en France, cependant que l’imposition du revenu net des ménages est moins élevée même en incluant la CSG.
Parmi les différentes impositions assises sur le travail, on peut néanmoins relever l’existence en France de nombreux prélèvements acquittés par les entreprises, assis sur la masse salariale (taxe sur les salaires, versement transport, taxe d’apprentissage…), dont le montant s’est accru depuis 2000 et qui n’existent pas en Allemagne.
En ce qui concerne l’imposition de la consommation et celle des revenus du travail, si les deux pays suivent la dynamique qu’ils ont adoptée depuis une décennie, la convergence observée au cours de la seconde moitié des années 2000 ne sera que temporaire et les écarts augmenteront.
La fiscalité environnementale, notion issue d’un reclassement conventionnel de différents prélèvements, occupe en France et en Allemagne une part moins importante dans le PIB que celle mesurée dans le reste de l’Union européenne, d’autant plus qu’ils ont été réduits depuis 2000.
La faiblesse de la fiscalité environnementale serait encore plus marquée en France si l’on retirait des statistiques le versement transport.
Dès lors en effet que les deux pays décideraient d’élargir et de renforcer leur coopération en matière économique, la Cour estime que la politique fiscale pourrait y trouver place. Dans la définition conjointe des grandes orientations à moyen terme qui seraient poursuivies, l’inclusion de développements portant sur l’évolution du poids et de la structure de la fiscalité, en cohérence avec la situation des finances publiques propres à chaque Etat, ainsi que sur l’agenda des réformes, serait en effet logique.
La Cour des comptes conclue sur une note optimiste en estimant que l’idée récemment avancée par les deux pays d’un « pacte de convergence » ou de « compétitivité » tend à concrétiser cette orientation.Extrait du rapport public : "Les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne" (mars 2011)
G.R.
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